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+33 (0)3 21 216 216 Formulaire de contactRoutes départementales, toute une histoire
Les artères et les veines sont les vaisseaux de la circulation sanguine du corps humain. Les autoroutes et les routes sont les vaisseaux de la circulation humaine dans le Pas de-Calais. Les routes nationales, un peu plus de cent kilomètres, sont prises en charge par l’État. Les routes départementales, plus de 6 200 kilomètres, sont entretenues, sécurisées par le conseil départemental du Pas-de-Calais. Les artères et les veines sont indispensables pour faire circuler le sang du coeur vers les organes et faire remonter le sang des organes vers le coeur. Les routes départementales sont indispensables pour faire battre le coeur des villes, des villages, des hameaux ; elles sont indispensables pour faire remonter l’histoire des territoires. Nous vous proposons des virées sur les routes départementales aux quatre coins du Pas-de-Calais. Première sortie en compagnie de Sylvain sur la RD 943 du côté de Loos-en-Gohelle.
Sylvain est cheminot et il habite à La Couture. Heureuse coïncidence, il est venu se poster au Dud Corner Cemetery situé au lieu-dit Les Coutures à Loos-en-Gohelle. Sylvain est un supporter du Racing- club de Lens, un supporter du Bassin minier… Il n’est donc pas étonnant de le retrouver le regard braqué sur la route départementale 943. C’est la route de Béthune à Lens. Une route de la mémoire, une route de la ferveur, une route du travail des mineurs, une route de la reconversion aussi.
Vers 1770, les États d’Artois décidaient d’aménager un grand chemin entre Lens et Béthune. Plus tard, la voirie fut pavée. Baptisée route royale de Bouchain à Calais, elle devint en 1811 la route impériale n° 50. Avec la loi sur les axes routiers de 1824, elle prit le nom de route nationale n° 43 de Metz à Calais, nom qu’elle a conservé jusqu’en 2006 et un transfert à la voirie départementale. La RD 943 (18 kilomètres entre Béthune et Lens) est à la fois un axe de transit dans le Bassin minier et une porte d’entrée dans l’agglomération lensoise avec les fers de lance que sont le stade Bollaert-Delelis et le Louvre-Lens. 18 000 automobilistes empruntent chaque jour la RD 943. Son poste d’observation offre à Sylvain un point de vue remarquable sur les terrils jumeaux du 11/19, deux pyramides noires.
Les plus hauts terrils d’Europe, 186 mètres au-dessus du niveau de la mer et 150 mètres de dénivelé. Ces amas de terres mortes, rejetées, sont devenus des lieux de vie pour 159 espèces animales et 190 espèces végétales. La base 11/19 est un lieu emblématique du Bassin minier. Après la fin de l’exploitation minière, le site a été reconverti en pôle d’excellence du développement durable, illustrant chaque pilier (économie, environnement, société, culture) par au moins une structure. La base 11/19 est classée au patrimoine mondial de l’Unesco. Aux mineurs qui empruntèrent durant des décennies la route de Béthune pour se rendre sur un carreau de fosse ont succédé des randonneurs qui partent à l’assaut des terrils jumeaux, des amoureux de la nature, du spectacle vivant (comme Sylvain).
Guerre et foot
"L’histoire de Lens s’est en grande partie jouée le long de la route de Béthune" assurent les historiens locaux, de la Guerre de Trente Ans (1618-1648) à la Grande Guerre. Combien de soldats, venus du monde entier, ont marché sur les pavés de la route de Béthune ? Sur la RD 943, le Dud Corner Cemetery est lié à la bataille de Loos ; le Loos Memorial rappelle aussi la bataille de la Lys et les combats du secteur de Grenay. Le nom Dud Corner, "coin raté" fait référence au grand nombre d’obus ennemis inexplosés retrouvés sur le terrain.
Le cimetière, au gazon aussi vert que les terrils sont noirs, abrite 1 812 sépultures individuelles dont 1 784 tombes de soldats britanniques et de soldats canadiens. Parmi eux se trouvent les premiers volontaires anglais, gallois, écossais et irlandais engagés dans les combats d’Artois à la fin de l’année 1915. La plupart sont inconnus, seuls moins
de 700 corps sont identifiés. Le mur entourant le cimetière forme le mémorial, les noms de 20 591 soldats y sont gravés.
La RD 943 c’est aussi la route du foot, l’artère qui mène tous les supporters du Racing-club de Lens vers le stade Bollaert. Quand Sylvain regarde la route, il ne voit plus le défilé des voitures et des camions mais il entend la clameur montant des tribunes. Cette clameur qui lui manque tant quand la Covid vide le stade. Et soudain apparaissent sur la 943 une voiture jaune et une voiture rouge ! Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous. Ceux avec la RD 943, Sylvain ne les rate jamais.
Article écrit par Christian Defrance pour l'Écho du Pas-de-Calais 205 de février 2021.
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