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+33 (0)3 21 216 216 Formulaire de contactPar Christian Defrance.
Nous avons demandé à Jean Pruvost, lexicologue, collectionneur de dictionnaires (dix mille !), "presque enfant" du Pas-de-Calais (un père et des grands-parents Boulonnais), auteur de nombreux ouvrages dont récemment L’Histoire de la langue française, un vrai roman, dans la collection Mots & coetera, Le Figaro littéraire, d’éclairer notre lanterne sur ce mot "confinement" qui a bouleversé notre vie quotidienne.
Ainsi, procéder au confinement d’un lieu, ce fut en tout premier définir les limite d’un espace, espace bientôt assimilé à l’enfermement d’un prisonnier. Enfin, au XIXième siècle, le confinement concernait le malade contagieux confiné dans sa chambre. Et, en 2020, voici donc venue la réclusion volontaire de millions de bien-portants chez eux pour se protéger d’un virus aussi malfaisant que grand voyageur.
Du confin aux confins…
Le mot qui précéda la "confination" fut "confin", doté aujourd’hui d’une particularité puisqu’il ne se dit plus qu’au pluriel. Si "confinement" est en vérité attesté dans notre français écrit en 1579, le "confin" y était déjà apparu en 1308. "Être confin près de ses ennemis" pouvait-on dire alors au singulier. Le pluriel s’imposa en 1463 dans les Mémoires de Philippe de Commynes, ce chroniqueur du XVième siècle né près de Dunkerque, à Relescure. Ce qui nous permet de dire aujourd’hui en archaïsant quelque peu que les confins du Pas-de-Calais sont la mer du Nord, le Nord et la Somme.
Arrière ce déconfinement-là !
Il reste un déconfinement à ne surtout pas souhaiter… On l’a presque oublié, mais le "confinement" a un moment été principalement connu pour celui des matières radioactives dans un espace hermétique. Enfin, pour celles et ceux qui sont passionnés de physique nucléaire, comment appelle-t-on la propriété qui fait que les quarks ou les gluons ne peuvent être observés isolément, mais seulement avec les hadrons ? Le déconfinement… Ne comptez pas sur moi pour l’expliquer !
Dans Le Dico des dictionnaires. Histoires et anecdotes paru en 2014, Jean Pruvost évoquait des souvenirs boulonnais…
Avec un père de Boulogne-sur-Mer et de merveilleux grands-parents parlant picard pendant mon enfance, impossible de ne pas être réceptif aux régionalismes. "Quo qu’tu dis ?, min p’tit fieu…" interrogeait ma grand-mère. Et de confier à la voisine que "pour sin age, il étot core gran-min (grandement) amusette." On met effectivement du temps à être sérieux… Quand à ma cousine, "Alle étot bin bellotte avec l’cat dans ché bras." S’y ajoutait parfois un parler moins directement accessible : "Va quer l’ramon pou nettoyer ch’querpillon, et ti donnera un coup d’wassingue su’ chpavé." Je comprenais très bien ma grand-mère, comme tout enfant sachant très vite adopter deux codes linguistiques, mais à vrai dire ce n’est que bien plus tard que j’établissais le rapport avec le verbe quérir, chercher, du latin quaerere, et que je rapprochais le ramon du ramoneur avec en commun le balai construit à partir de rameaux, raim en ancien français, d’où le ramon… Quant au querpillon, le trottoir, affaire à suivre… D’où vient-il ? Apparemment personne pour nous l’expliquer. Il est plus facile de pister la wassingue, la serpillière, déjà attestée en 1895 dans le Supplément du Dictionnaire des dictionnaires de Mgr Guérin, homme du Nord…, un mot d’origine flamande et germanique, de l’allemand waschen, analogue à l’anglais to wash, laver. Cartains prétendent que sur les serpillières était écrit washing. Ma grad-mère qui, comme tout Boulonnais, n’aimait pas les Inglais, aurait aimé assimiler sa serpillière à "cheux d’in face", de l’autre côté du "channel".